Bibliothèque Insulaire / Utopies
Chronique de L'Isle Lettrée parue le 20 septembre 2013 sur le site Vers les îles.
http://jacbayle.perso.neuf.fr/livres/Utopie/Dunn_M_1.html
L'ISLE LETTREE par Jacques Bayle dans la catégorie Utopies insulaires de la Bibliothèque insulaire virtuelle :
Nollop, petite île à quelques encablures des côtes de Caroline du Sud, est indépendante depuis 1870. La vie y est paisible jusqu'à ce que, au hasard d'une péripétie en apparence anodine, les autorités décident d'interdire rigoureusement l'utilisation d'une, puis de plusieurs, puis de toutes ou presque, les lettres de l'alphabet. La mesure est rétroactive, ce qui impose entre autres la destruction de tous les livres, périodiques et autres écrits existant sur l'île.
Jeu de lettres : l'histoire est racontée au fil de son avancement par les lettres qu'échangent les insulaires — entre eux ou à l'attention de correspondants extérieurs à l'île.
Jeu de lettres : les contraintes de la règlementation proscrivant successivement l'emploi des lettres « Z », puis « Q », « Y », « D », etc. rendent sensibles les difficultés auxquelles se heurtent les insulaires dans leurs échanges et, plus généralement, dans leur vie quotidienne.
Au fil du récit, Mark Dunn pousse à l'extrême un jeu stylistique connu sous le nom de « lipogramme » où s'est notamment illustré Georges Perec — avec La disparition (1969), roman où ne figure pas la lettre « E ». Dans la même veine mérite d'être signalé le court récit de Jacques Arago, Voyage autour du monde sans la lettre A (1854).
L'île, avant d'être baptisée Nollop, était connue sous le nom d'Utopianna — indication sans portée ou, au contraire, indice laissant pressentir l'avènement d'un avenir soumis aux excès d'un pouvoir arbitraire.
Le cadre insulaire se révèle particulièrement approprié au déroulement d'une fable où l'épuisement des ressources — ici le verbe — exerce ses effets avec une efficacité et une intensité rermarquables. À cet égard, un rapprochement s'impose avec le roman d'Ogawa Yoko, Cristallisation secrète, où « les choses et les créatures, les souvenirs et les émotions disparaissent selon un principe d'effacement diaboliquement orchestré » 1.
- Ogawa Yoko, « Cristallisation secrète », Arles : Actes sud, 2009 (extrait de la présentation par l'éditeur). Le roman trouvera prochainement sa place sur le site des littératures insulaires.