Quand Le Monde ...
- 26,00 €
Description de l'éditeur (quatrième de couverture) :
La fable de Kosovo Polje a assimilé les grandes puissances à l’arbitre qu’on sollicite ou au sauveur qu’on implore. Supposées n’avoir aucun intérêt dans la région, elles rechigneraient à s’impliquer. Et, si elles interviennent finalement, c’est poussées par des médias qui, eux, défendraient des principes. Animée par la volonté de mobiliser contre la Serbie une opinion française acquise au rejet légitime de la ségrégation raciale, la fable est fidèle à elle-même dans son instrumentalisation de l’apartheid.
Le procédé en rappelle un autre, également utilisé par le quotidien Le Monde, qui assimile la guerre de Bosnie à la Shoah. L’un comme l’autre valent ce que valent les amalgames et les méthodes de diabolisation. En même temps qu’elles falsifient les réalités du Kosovo et de la Bosnie, elles banalisent l’apartheid et la Shoah en faisant disparaître leurs singularités. Avec la fable de Kosovo Polje, Le Monde reprend les méthodes de l’histoire asservie : la manipulation de l’opinion et la fabrication d’un bouc émissaire. En l’occurrence, la Serbie.
Dans cet ouvrage constitué de trois parties - La Fable de Kosovo Polje ; Le Rêve d’une Bosnie multi ethnique ; La Face cachée du drame de Srebrenica - l’auteur dévoile autant d’illusions médiatiques présentées par un grand quotidien comme Le Monde : ici, une fiction, «la fable», sur l’éclatement de la Yougoslavie, là, «le rêve», celui d’une Bosnie multi ethnique, ou encore là, les approximations et les dérives concernant la question du «génocide de Srebrenica».
Extrait (pages 27 à 36 - Fin de l'avant-propos de l'auteur) :
Au-delà de la guerre de Bosnie, la nazification des Serbes est devenue un prisme à travers lequel Le Monde prétend lire la période de quelques années qui précède le déclenchement des guerres en 1991. L’objectif étant de faire du nationalisme serbe un nouveau national-socialisme. Tout se passe comme si Le Monde s’efforçait de plaquer sur cette période de la fin de la Fédération le schéma de la montée du nazisme et de la responsabilité allemande dans le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale. Dans cette perspective, il faudrait attribuer au seul nationalisme serbe et à ses ambitions hégémoniques supposées la responsabilité de l’éclatement de la Fédération yougoslave. Cette histoire reconstituée devient, à partir de 1999, le storytelling à destination du grand public que nous appelons « La fable de Kosovo Polje », titre de la première partie. Nous y examinons non seulement les thèmes et les amalgames qui ont fait son succès mais aussi les responsabilités et les évènements qu’elle passe à la trappe pour donner sa version partisane de la fin de la Fédération.
Ce storytelling a toutefois un contrepoint insolite : la ligne du quotidien lui-même pendant les dernières années de la Fédération (1987-1991). À cette époque en effet, la ligne du Monde est à l’opposé de ce qu’elle est devenue par la suite. De 1968 à 1990, ce sont les nationalismes croate, albanais voire slovène qui, pour le quotidien, représentent les principales menaces pesant sur la Fédération. Comme par exemple en 1968, 1971 et 1981, lors des révoltes nationalistes au Kosovo et en Croatie. Quant au nationalisme serbe, dont la montée n’a lieu qu’à la fin des années quatre-vingts, il n’est à l’époque pour Le Monde qu’un danger parmi d’autres.
(...)
Dans le dernier chapitre de cette première partie, nous revenons sur une autre question devenue taboue au Monde : la responsabilité de l’Allemagne dans l’éclatement sanglant de la Yougoslavie. Autre occultation qui est dans la logique d’une fiction où les seuls responsables de la disparition de la Fédération doivent impérativement être serbes. Aujourd’hui en effet, les très rares fois où Le Monde évoque la responsabilité allemande, c’est en quelques lignes noyées dans des articles qui ne traitent pas de ce sujet. Alors que lorsque la question des responsabilités dans le déclenchement du conflit bosniaque est abordée explicitement, le rôle de la politique allemande disparaît complètement. Pourtant, les articles du Monde dans les mois qui précèdent la reconnaissance de la Slovénie et de la Croatie en décembre 1991 démentent les affirmations de la fable. Si, à l’époque, il ne le fait que discrètement, le quotidien évoque un jeu allemand qui fut décisif dans l’éclatement de la Fédération et dont les conséquences furent catastrophiques sur le terrain bosniaque.
Après le Kosovo, point de départ de la crise finale de la Fédération et théâtre de la dernière des guerres yougoslaves, nous abordons dans la deuxième partie la question bosniaque sous le titre « Le rêve d’une Bosnie multiethnique ». Dans un premier développement « Bosnie : ethnies ou peuples ? », nous tentons de montrer que la manière dont le quotidien a évoqué la question des « peuples » et des « ethnies » ne doit rien au hasard. Il est vrai qu’au-delà du Monde, les conflits yougoslaves ont donné lieu à un usage généralisé et abusif du terme « ethnique ». Ces conflits ne sont pourtant pas plus « ethniques » que ceux qui, par exemple, ont éclaté entre la France et l’Allemagne entre 1870 et 1940. Toutefois, malgré cet usage immodéré, Le Monde a toujours considéré, à juste titre, que les Croates, les Slovènes, les Albanais et les Serbes étaient des peuples : si les conflits étaient qualifiés d’« ethniques », les protagonistes n’étaient pas pour autant des « ethnies ».
Il en est allé tout autrement dans le cas bosniaque, où Le Monde désigne les communautés nationales comme des « ethnies ». Envisageant même celles-ci comme des « races », il vantera le « multiethnisme » comme le modèle à adopter.
La problématique peuple/ethnie, avant d’être d’ordre sémantique, est éminemment politique : la notion de « peuple » débouche sur le principe du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes tandis que celle d’« ethnie » ouvre généralement sur un principe différent, voire opposé, celui de « multiethnisme ». Pourquoi Le Monde, qui n’a cessé de vanter le « multiethnisme » dans le cas bosniaque ne l’a-t-il pas fait dans le cas yougoslave ? C’était pourtant le cadre yougoslave qui était le plus à même de garantir la vie commune et la paix entre les trois peuples bosniaques. Mais contre tout bon sens, Le Monde a discrédité en Bosnie ce qu’il a exalté dans le reste de la Yougoslavie. Comme si le principe du droit des peuples pouvait s’appliquer à toute l’ex-Yougoslavie, tant aux républiques qu’à la province autonome du Kosovo, mais pas à cette « Yougoslavie en plus petit » qu’était la Bosnie. Une contradiction que seule la politique des grandes puissances en ex-Yougoslavie permet d’élucider. Observer comment, selon les cas, Le Monde exalte ou discrédite l’un ou l’autre de ces principes est l’occasion de souligner l’adaptabilité de la rhétorique du quotidien et son suivisme à l’égard de ces mêmes puissances. Docilité qu’on vérifie au soutien sans faille apporté par Le Monde au protectorat colonial des grandes puissances en Bosnie, où elles imposent le pseudo « multiethnisme » contre la volonté de ses habitants.
L’aberration consistant à vouloir en Bosnie le contraire de ce qu’on préconise dans le reste de la Yougoslavie s’est accompagnée d’une illusion, voire d’une imposture. C’est le thème du second développement de cette deuxième partie, « Bosnie : du "rêve multiethnique" au despotisme ». Cette imposture a consisté à faire croire que les dirigeants de la communauté musulmane étaient les garants du « multiethnisme » en Bosnie. Tout ce qui pouvait gêner cette illusion a été occulté par Le Monde, ou, dans le meilleur des cas, limité à quelques lignes. Pour mieux vanter l’idyllique « terre de symbiose » qu’aurait été la Bosnie, il a fait passer à la trappe un évènement aussi important que le génocide des Serbes pendant la Seconde Guerre mondiale, génocide qui fut perpétré en même temps et souvent dans les mêmes camps que ceux des Juifs et des Tziganes de Yougoslavie. Occulté également l’itinéraire du futur président Alija Izetbegovic, en particulier sa proximité avec l’Allemagne hitlérienne entre 1941 et 1945, et sa fameuse Déclaration islamique, texte islamiste d’inspiration salafiste. Occultée enfin, à quelques exceptions près, la stratégie meurtrière des autorités musulmanes envers leur propre peuple, stratégie dont la population de Sarajevo a payé le prix, en plus des bombardements serbes.
En 2012, à l’occasion du 20e anniversaire du début du siège de Sarajevo, Le Monde n’a toujours rien changé à sa ligne de guerre. Dix-sept ans après la signature des accords de paix de Dayton, le nationalisme musulman et le rôle de l’Allemagne sont toujours occultés. Quant aux victimes non musulmanes, elles semblent n’avoir jamais existé. Pas un mot donc des victimes serbes, par exemple celles qui, dans les quartiers de Sarajevo tenus par les forces serbes étaient tout autant la cible des snipers musulmans que les habitants de Sarajevo sous contrôle musulman l’étaient des snipers serbes.
Notre dernière partie s’intitule « La face cachée du drame de Srebrenica ». Les massacres de Srebrenica sont incontestablement le moment où, de toutes les guerres en ex-Yougoslavie, a culminé la folie meurtrière, en l’occurrence celle des Serbes. En l’espace de quatre jours, ces derniers tuèrent tous les Musulmans qui s’étaient rendus. Avant d’examiner la question du nombre de ces victimes et des preuves des exécutions, nous revenons sur les évènements qui ont eu lieu entre mai 1992, lorsque les forces musulmanes s’emparent de la ville, et le 11 juillet 1995, date de l’assaut des Serbes. Une série de faits, presque toujours occultés par Le Monde, explique au moins partiellement les massacres. Nous pensons en particulier à la stratégie des forces musulmanes qui consistait à vider l’enclave de ses habitants serbes d’une manière qui n’était pas moins radicale que celle des forces serbes envers les villages musulmans. Quant à la militarisation de la zone, en violation des accords signés en 1993 sous l’égide de l’ONU, elle n’a pas peu contribué aux désirs de vengeance serbes. C’est dans ce contexte que la ville deviendra la place forte de la 28e division musulmane et que l’ensemble de sa population masculine sera mobilisé. Zone officiellement démilitarisée, Srebrenica ne le sera jamais dans les faits, bien au contraire. Pour l’approvisionner en armes, on verra même l’OTAN violer l’embargo dont elle avait la charge. Ce qui permettra de faire de Srebrenica la base de départ et de repli de commandos musulmans qui, profitant du statut de « zone protégée » de l’ONU, lançaient des raids terroristes en direction des villages serbes environnants. Ce qui n’a pas empêché le quotidien, dans ses nombreux retours sur les massacres de Srebrenica, de passer sous silence les enjeux militaires, de suggérer que Srebrenica n’était qu’essentiellement habitée par des réfugiés pacifiques, et de mettre l’attaque de la ville par les Serbes sur le compte d’un programme raciste imaginaire.
Nous revenons notamment sur un fait essentiel, systématiquement occulté par le quotidien : la bataille qui a eu lieu dans la région de Srebrenica entre les milliers d’hommes des forces serbes et des forces musulmanes, très supérieures en nombre, lorsque ces dernières ont quitté la ville le 11 juillet 1995. Selon les dépositions d’experts de l’accusation, cette bataille aurait fait des milliers de victimes. Également occulté est l’accord de cessez-le-feu entre les forces serbes et musulmanes. Conclu le 15 juillet, il permettra à la majeure partie des hommes de Srebrenica de passer. Un fait là encore reconnu par l’accusation. Car non seulement Le Monde a systématiquement expurgé de ses comptes-rendus le travail de la défense lorsque des Serbes étaient inculpés, mais il a également passé sous silence les dépositions des experts de l’accusation lorsqu’elles montraient la dimension militaire des évènements. Sans doute avaient-elles le tort de donner des massacres l’image d’un crime de guerre et non d’un génocide. Il est toutefois incontestable que c’est pendant cette bataille que les massacres des prisonniers musulmans ont eu lieu. Pour autant, l’assertion du Monde, selon laquelle il serait prouvé que 8 000 hommes ont été « froidement assassinés » n’est pas crédible. Selon les experts de l’accusation eux-mêmes, les exhumations du TPIY s’élèvent à 2 028 cas et les preuves incontestables d’exécutions sommaires à 448.
Quant à la thèse du « génocide », rappelons que les civils (femmes, enfants et vieillards) ont été évacués vers les territoires sous contrôle musulman. Et que grâce à l’accord de cessez-le-feu cité plus haut, les Serbes ont laissé passer la majeure partie des hommes musulmans avec leurs armes. Des faits qui, malgré les massacres effectivement perpétrés côté serbe, ne permettent pas de ranger Srebrenica dans la liste de génocides du 20ème siècle. Pas plus qu’ils ne peuvent, tant par leur échelle que par leur nature, être comparés à la destruction atomique d’Hiroshima, ce que Le Monde n’a pas hésité à faire en août 2012.
Enfin, la politique des autorités musulmanes à Srebrenica révèle un jeu particulièrement cynique. Tout indique qu’elles ont fait en sorte que la ville tombe dans les pires conditions pour les combattants et la population civile. Et ce pour favoriser ce qui était au centre de leur stratégie : l’intervention de l’OTAN. Seules quelques allusions sibyllines transpireront au Monde à propos de cette politique qui compromet gravement Sarajevo. Un jeu pourtant évoqué par l’ONU et dénoncé par certains responsables musulmans.
Énormité des comparaisons, négation systématique des souffrances serbes, occultation des enjeux militaires, chiffres gonflés et comptes-rendus orientés en faveur des Musulmans, Le Monde est sans doute allé trop loin pour envisager tout retour à une information digne de ce nom. Raison pour laquelle il fait en sorte de verrouiller le débat, cherchant à tuer dans l’œuf tout ce qui pourrait s’éloigner de la version officielle. Y compris par le recours à l’intimidation, voire à l’insulte. Pour le « quotidien de référence », toute contestation de cette version officielle ne peut être que le fait d’un « négationniste », voire d’individus tels que Breivik, le tueur d’Oslo. Sauf que ceux qui s’attaquent à cette version ne sont ni des « négationnistes », ni des épigones de Breivik, mais des avocats internationaux, ceux-là mêmes qui, à La Haye, défendent les Serbes accusés par le TPIY. Rétribués par l’ONU, recrutés parmi les meilleurs juristes de France, des États-Unis, de Grande-Bretagne, du Canada ou d’ailleurs, ils ont contesté ou contestent pied à pied les thèses du TPIY. Ils s’opposent aussi bien au chiffre de 8 000 personnes assassinées par les forces serbes qu’à la thèse du « génocide ». Sans que Le Monde n’informe de leurs travaux.
(...)
Récemment, deux verdicts viennent à nouveau confirmer la dépendance de la « justice internationale » à l’égard de certains États.
En novembre 2012, le jugement du TPIY se concluait par l’acquittement de deux généraux croates impliqués dans l’opération Tempête, dont on sait que l’objectif et le résultat ont été l’expulsion de 200 000
Serbes de Krajina en août 1995. En décembre 2012, le TPIY prononçait un nouveau verdict d’acquittement. Cette fois-ci en faveur de Ramiz Haradinaj, récent premier ministre albanais accusé d’exactions contre les Serbes du Kosovo entre 1998 et 1999. On se rappelle que ces derniers en furent expulsés massivement en juin 1999. Deux cas où le TPIY semble dans l’étrange incapacité de trouver des coupables. Deux cas où les victimes sont serbes et les acquittés appartiennent à des forces alliées de l’OTAN.
Notre conclusion ne peut être qu’à rebours du triomphalisme médiatique dominant.
Le Tribunal pénal pour l’ex-Yougoslavie n’est pas une étape vers une justice internationale, ni, a fortiori, vers ce que Le Monde appelle pompeusement la « justice universelle ». Il n’est qu’un dispositif participant d’un ordre euro-atlantique dans les Balkans.
C’est donc de manière illusoire que le TPIY satisfait l’aspiration immémoriale de l’opinion à une justice au-dessus des États. Au moment même où l’unanimisme des médias et du Monde entretient l’illusion de ses prétendues « avancées », cette justice est plus que jamais prisonnière de puissances qui l’instrumentalisent pour mieux assoir leur domination.
Radio Courtoisie - Libre Journal de Paul-Marie Coûteaux du 18 septembre 2013 :